Un grand merci à Sophie, qui a bien voulu me prêter son témoignage d'accouchement, car "un témoignage vaut mille discours"!
Voici son récit, aussi publié sur le site www.perinatalite.info :
"La naissance d'Aliénor
née le 19 août 2005, à la maison.
J'étais curieuse de savoir ce qui allait se passer, ce que j'allais vivre et
ressentir. C'est donc dans un état d'esprit serein que j'attendais, à la
maison, la naissance d'Aliénor. Mais j'eu du chemin à parcourir pour en
arriver là, car j'avais beaucoup d'idées préconçues avant ma grossesse, et
même à son début.
I - Le cheminement
C'est en rencontrant mon époux et sa famille que j'ai été exposée à des gens
méfiants du milieu hospitalier et ayant développé leur esprit critique quant
aux techniques médicales « habituelles. »
Ainsi, quand j'avais appris que ma belle soeur avait eu ses trois enfants à
la maison, j'avais été choquée et je n'avais pas compris. Mais je n'avais
pas creusé la question. Puis, nous décidâmes qu'il était temps de rentrer en
France et de fonder une famille, et Aliénor vint se blottir en moi juste
après avoir arrêté la pilule.
En ce début de grossesse, quand je pensais à l'accouchement, c'était à un
accouchement dans l'eau auquel je pensais, comme je l'avais vu il y a
plusieurs années. Alors adolescente, j'avais été très impressionnée par un
accouchement dans la mer. Ces images me revenaient à présent.
De retour en France, c'est donc vers un accouchement aquatique que mes
recherches se tournèrent, et je tombais sur le site de Sophie Gamelin. Elle
me confirma la difficulté d'accoucher dans l'eau en France (en structure
médicale) pour me suggérer d'accoucher chez moi, dans ma baignoire. Je n'y
avais pas pensé. et ne voulais pas y penser ! Elle m'avais aussi suggéré de
m'inscrire sur la liste naissance, ce à quoi je ne vis aucun problème !
La liste Naissance engendra mon deuxième choc : j'y appris que nombreuses
étaient celles qui avaient accouché, non seulement à la maison, mais sans
personne. Là, je tombait du ciel. Jamais dans mon expérience de jeune fille
et jeune femme élevée dans un pays « civilisé » je n'avais entendu chose
pareille !
Cependant, dans le même temps, j'avais entamé la lecture de Leboyer, pour
cette fois être indignée des traitements infligés aux nouveau-nés dans les
hôpitaux. même encore maintenant. J'avais aussi commencé la lecture des
ouvrages de Michel Odent, que je trouvais passionnant et extrêmement
éclairant. Je lisais avidement les échanges de la liste naissance (LN).
C'est ainsi que très rapidement, je me mis à chercher une sage-femme pour me
suivre. et éventuellement accoucher à la maison. Il était très important
pour moi d'être suivie par la même personne du début à la fin ; et surtout
de ne pas être en présence d'inconnus pendant l'accouchement. Je considère
cela comme un moment très intime et je ne veux pas le partager avec des
étrangers. Après deux au trois coups de fil, je tombais sur Françoise. Sa
voix, ses manières, son calme, sa gentillesse me plurent tout de suite et je
prenais rendez-vous. Mon impression fut confirmée. Je ressentis une grande
confiance envers elle ; elle avait vraiment l'air sage, cette femme. Elle n'était
pas alarmiste, savais écouter avec une réelle attention. Je ne lui posais
jamais de questions sur ses pratiques, son comportement pendant les
rendez-vous rendant évidant le fait qu'elle cherchait surtout à observer,
être là en cas de besoin.
Apres quelques mois de ces lectures passionnantes, j'étais une convaincue de
l'accouchement à domicile et ne voulais à aucun prix autre chose ! C'était
le bon choix car mon corps rejetait l'hôpital (une sensation de constipation
de tout le corps m'avait envahie quand j'avais été m'inscrire dans une
maternité, au cas où. Je m'étais dis que jamais je ne pourrais laisser
sortir mon bébé dans un tel environnement !) Je rêvais d'accoucher dans les
bois !
J'avais essayé d'obtenir une piscine d'accouchement car je tenais toujours
beaucoup à mon projet d'accoucher dans l'eau. Malheureusement, la personne
qui en avait une était en vacances. Alors, Françoise nous prêta sa piscine
gonflable. J'étais contente et rassurée à l'idée de pouvoir me plonger dans
l'eau quand j'en aurai envie.
C'est donc avec calme et confiance en moi que j'abordais ce qui allait
permettre la naissance d'Aliénor. Bien sûr, j'avais tergiversé et avais
interrogé sur la douleur, pour en arriver à la conclusion que son ressenti
et son _expression étaient quelque chose de tellement personnel qu'il était
presque inutile d'essayer de l'exprimer. Cela piqua ma curiosité : j'avais
hâte de savoir ce que ce serait (je me demandais parfois aussi si je n'étais
pas folle !)
II - La naissance
Le 15 août, nous décidâmes de partir pour notre dernière escapade, car la
date prévue du terme était le 24. Je me portais à merveille et profitais d'un
bain de mer, de la visite de Rouen, et de jeux dans la piscine avec mes
petits cousins. La seule chose qui m'embêtait vraiment, c'était la nécessité
constante de trouver des toilettes. J'aurais passé ma journée assise sur la
cuvette !
A notre retour, le 17 au soir, la lune était si belle : ronde, brillante,
elle se détachait sur le ciel bleu nuit entrecoupé de quelques étoiles. Ce
soir là, dans le lit, je ressentis une drôle de sensation, comme si j'avais
une diarrhée qui se préparait. Le 18 au matin, la sensation ne s'était pas
apaisée et je commençais a me demander ce que j'avais pu manger. Un tour aux
toilettes, rien. Je décidais de me recoucher et allais enlacer mon homme.
Puis dans la matinée je me dis que c'était peut-être des contractions.
Hiram, mon époux, confirma mon impression : cette nuit, il avait remarqué
que j'avais été comme secouée à deux reprises. Un tour aux toilettes pour
remarquer une étrange substance gluante, sans doute le bouchon muqueux. Nous
hésitions à espérer que ce serait pour bientôt. Peut-être était-ce seulement
une répétition ?
Je téléphonais à Françoise pour lui dire qu'il se passait des choses. Elle
en fut ravie et me dis de continuer ma journée normalement, et surtout de
manger et dormir dès que je le pourrai. De retour aux toilettes, la
substance gluante était encore plus épaisse.
Ma mère vivant sous le même toi que nous, nous avions convenu qu'elle irait
chez la voisine le jour de l'accouchement, je ne voulais être qu'avec Hiram
et Françoise. Je prévins donc ma mère que ce serait sans doute pour très
bientôt et qu'elle devrait commencer à préparer son sac de nuit. Elle me
répondit que mes contractions étaient sans doute dues au fait que j'avais
trop sauté dans la piscine et étais fatiguée ! Non, je n'étais pas fatiguée
!! Or, elle alla dire au revoir à la voisine chez qui elle devait aller et
qui partait pour le week-end, sans lui demander sa clé. J'en fut un peu
énervée, lui disant que j'avais choisi d'accoucher à la maison afin de ne
pas avoir à me battre avec le corps médical pour que mes souhaits soient
respectés et que c'était quand même dommage que je doive me battre avec
elle. Elle retéléphona à la voisine et alla chercher sa clé. Ouf, j'étais
soulagée ; cela me permettait de me détendre et d'observer sereinement la
suite des événements.
L'après-midi, nous allâmes acheter une bricole au supermarché, et là, je
commençais à flotter, comme si j'avais un peu trop bu. Mes pieds semblaient
décoller du sol. Hiram aussi flottait ! On savait que quelque chose de
vraiment important se préparait sans pourtant être vraiment sûrs de l'agenda.
L'après-midi se passa calmement en lectures sur la naissance. Nous primes
aussi connaissance du fonctionnement de la piscine qui était assez élaborée
(pompe, longs tuyaux, tubes métalliques à monter.) Les contractions
persistaient. Je pris une position à quatre pattes avec la tête sur le sol.
Cela me faisait du bien. D'ailleurs, j'avais déjà pris cette position
pendant ma grossesse pour soulager mon dos. Puis, je me dis qu'avoir les
fesses en l'air n'était peut-être pas l'idéal pour la descente du bébé, et
je me mis simplement à quatre pattes de temps en temps. Les contractions
devenaient progressivement de plus en plus fortes, et peut-être plus
rapprochées aussi.
Au moment du dîner, il fallait que j'arrête de manger pour reprendre mon
souffle. Hiram chronométra : toutes les cinq minutes environ. Je pensais
vraiment que les choses étaient sérieuses, sans pour autant douloureuses. En
fin de compte, peut-être serait-ce pour ce soir ou demain ?
Je décidais de m'excuser de la corvée de vaisselle pour aller prendre un
bain. Ma mère traînait toujours à la maison, me semblait-il cherchant des
excuses, et je décidais de laisser Hiram s'en arranger. Je sentais que j'avais
vraiment besoin de calme et de tranquillité, je ne sortirai du bain qu'une
fois qu'elle serait partie !
Ce moment arriva enfin, et là, je fus soulagée, heureuse même. Dans le bain,
j'avais essayé de « visualiser l'ouverture du bassin avec le travail »,
comme suggéré pendant les séances de sophrologie ; mais j'avais du mal à me
concentrer sur cela, je trouvais cela trop « abstrait », cela demandait,
pour moi, un trop grand effort intellectuel. Je préférais me laisser aller
dans l'eau, et quand les contractions venaient, et bien, elle venaient ! A
ce stade, elles étaient assez fortes, mais pas vraiment douloureuses.
Une fois hors de l'eau, il semblait que la nuit nous appartenait ! Je voulus
être prise en photo au dernier stade de ma grossesse, avec un ventre à sa
rondeur maximale. Ensuite, nous décidâmes d'aller sur le toit, j'avais envie
de voir les étoiles et la lune, et Paris, et de passer un moment en
amoureux, à deux, pour la dernière fois, cela ne faisait plus aucun doute !
Et en effet, la nuit était belle. La clarté et la rondeur de la Lune se
détachaient dans le ciel bleu nuit tournant au marine. La lueur de quelques
étoiles émergeait de derrière les nuages. On aurait dit qu'une étoile s'apprêtait
à éclore.
De retour dans l'appartement, il était minuit, et nous décidâmes d'aller
nous coucher. Je ne pensais pas pouvoir dormir avec des contractions qui
étaient fortes maintenant, mais me reposer, passer le temps. Ces derniers
moments au calme en amoureux, dans l'attente de la rencontre avec notre
petite fille étaient merveilleux.
Puis, la position couchée devint vraiment inconfortable et j'avais vraiment
envie d'aller aux toilettes, j'avais l'impression qu'il fallait vraiment que
je me vide. Il était 2 heures du matin. En effet, je me vidais ! Je restais
un assez long moment sur la cuvette car je trouvais cette position vraiment
confortable. Puis, je me relevai pour constater qu'il y avait aussi du sang.
« Alors là, c'est vraiment sérieux » me dis-je. Et juste a ce moment-la, «
pfou ! » La poche des eaux éclata comme un ballon de baudruche ! Je tirai
Hiram de son sommeil pour qu'il appelle Françoise.
Et c'est là qu'Hiram entra en scène et se comporta en gardien de mon
confort. Je lui dis que j'avais envie d'une douche chaude sur les reins,
alors il alla préparer la salle de bains : lumière tamisée improvisée avec
une lampe de chevet, serviettes sur les bords de la baignoire afin que j'y
pose mes coudes sans me faire mal. Il vint se mettre derrière moi. Je lui
demandai de m'appuyer sur le bas du dos et de me masser avec de l'eau
chaude. Cela me faisait un bien fou et soulageait très bien les contractions
qui étaient maintenant très fortes.
Entre les contractions, l'eau chaude avait vraiment un effet relaxant. Cela
dura un certain temps, je ne saurais être précise. Toujours est-il qu'a un
certain moment, j'en eu assez d'être à quatre pattes appuyée sur le rebords
de la baignoire, j'eu envie de me relever. Je demandai donc à Hiram qu'il me
prenne entre ses jambes et me soutienne par les aisselles. Comme je n'avais
plus envie d'eau chaude, nous décidâmes d'aller dans le salon, là ou nous
avions installé une couette, juste au pied du canapé. Hiram tamisa la
lumière au minimum. Je me sentais bien. Tout était tranquille, silencieux,
en cette nuit d'août.
Je demandai à Hiram de s'asseoir sur le canapé pour pouvoir me soutenir par
les aisselles alors que je m'appuyais sur ses cuisses, les jambes fléchies,
le corps suspendu entre ses jambes. Quelques contractions très fortes
passèrent, puis j'eu envie de pousser. Mais Françoise n'était pas encore
arrivée, je préférais l'attendre. Puis j'entendis l'ascenseur et dis à Hiram
d'aller ouvrir la porte, entre deux contractions. Quand il revint, les
fortes contractions me faisaient de plus en plus flotter. J'avais l'impression
que ma tête se détachait de mon corps pour monter petit à petit au plafond !
Françoise arriva, je vis son ombre passer, à pas feutrés. Je lui criai «
Françoise, je peux pousser ?! » En effet, j'avais l'impression de crier et
me rendait bien compte de mon impolitesse, je n'avais même pas dit bonsoir !
Mais, cette pensée était déconnectée de mes actions. Ma tête, qui montait au
plafond, semblait observer mon corps, qui était sur le sol !
Françoise répondit doucement qu'elle ne savais pas mais que je pouvais sans
doute pousser puisque j'en avais envie. Cette réponse ne me satisfit pas !
Je voulais entendre Oui ou Non, car l'envie était vraiment pressante et je n'avais
pas le temps de tergiverser! Je lui cria donc encore que j'avais envie de
pousser. Alors, elle sortit son matériel pour écouter le coeur du bébé et s'approcha
de mon ventre. Je vis mon ventre, près de Françoise et de la lumière, alors
que ma tête était toujours en haut, comme si mon buste s'était étiré. Mon
ventre étant trop loin de moi, de mes oreilles, je n'entendis pas le coeur
de mon bébé et pris peur : « j'entends rien. »
Hiram, prit la parole pour me rassurer, pour me dire que si, lui pouvait l'entendre
battre très fort. Lui faisant totalement confiance, je me calmai aussitôt. L'envie
de pousser était maintenant remplacée par une poussée ! Françoise était
assise dans le coin de la pièce, assez loin de moi, me semblait-il en
tailleur, comme une divinité bouddhiste veillant sur moi. Sa présence
discrète et bienveillante contribuait à l'atmosphère sereine de la pièce. J'avais
confiance, je pouvais me laisser aller. Et j'en avait besoin, car il fallait
que je les laisse passer ces poussées qui se faisaient plus pressantes.
Là, je peux vraiment parler de douleur, je commençais à ressentir quelque
chose de très très fort qui forçait son passage dans mes os. Je criai à
Françoise « ça fait mal » « j'ai mal » Sa voix douce et calme me répondit
« oui, je sais Sophie, ça fait mal. » Puis l'envie revint, de multiples
fois, comme des vagues. Parfois je répondais à ce besoin en poussant,
parfois, je me retenais, car cela faisait vraiment trop mal, parfois, je
laissais la poussée se faire toute seule. Je ne sentais pas mon bébé
descendre, juste mes os qui allaient éclater sous la pression. Je criai :
« Françoise, je peux pas pousser, ça va éclater ! » « Mais non, cela ne va
éclater. C'est bien ce que tu fais, ton bébé arrive. » Maintenant, ma tête
touchait le plafond, complètement déconnectée des jambes. « Ton bébé est
presque là, tu peux le toucher si tu veux. » Mais non, je ne pouvais pas le
toucher, mes bras étaient bien trop courts ! Je me souviens avoir en effet
essayé de tendre mes bras vers mes jambes, sans pouvoir vraiment les
contrôler et rien toucher. Je criai : « ça brûle » et pensai « c'est bon
signe, j'ai lu que quand ça brûle, c'est la tête qui étire le périnée. Ouf,
je n'en ai plus pour longtemps ! » Puis Françoise s'approcha de mes jambes
et mit une crème apaisante sur mon périnée. Je criai « encore du froid ! » J'avais
conscience (c'était la tête clouée au plafond qui pensait) que mon
vocabulaire était vraiment rudimentaire, mais je ne pouvais agir autrement,
comme si ma bouche, dont sortait les sons, était en bas, avec les jambes et
le ventre.
Je faisait de longues pauses entre chaque poussée. Il me fallait reprendre
courage et forces, car cela faisait de plus en plus mal. A un moment, je
pensais « non, je ne veux plus pousser, ça fait trop mal, je n'en ai rien à
faire si je reste comme ça. » Puis, les poussées furent de plus en plus
incontrôlables, impossible à espacer. Je ressentis qu'il y avait quelque
chose de trop gros pour passer, comme coincé dans mon bassin mais qui
voulait sortir, qui allait me briser les os. J'eu l'image d'un verre qui
tombe sur le carrelage et se brise en mille morceaux. Résignée, je me dis
« tant pis si ça éclate, faut que ça sorte. » Et là, je pris ma respiration,
comme quand on a peur avant de sauter, et poussai. Ma tête défonça le
plafond alors que je sentais une masse gluante passer entre mes jambes. Je
ne remarquai même pas la venue de Françoise pour accueillir mon bébé et le
poser à mes pieds.
Mon bébé, Mon bébé !!!
J'en ai encore les larmes aux yeux à y penser. Hiram pleurait et riait à la
fois. Moi, je pleurais et criais « mon bébé, mon bébé. » Et là, en baissant
la tête (qui redescendait petit à petit du plafond), je vis mon bébé, seul,
entre mes jambes, qui semblait un peu égaré. Une douleur intense me saisit à
la vue de ce petit être si fragile que je voulais prendre dans mes bras,
conforter, serrer, embrasser. Ce moment sembla durer une éternité, cela me
faisait mal, je tendais mes bras, mais ils étaient toujours trop courts,
sans doute pas encore bien reconnectés à mon ventre ! Je voulais qu'on mette
mon bébé dans mes bras, je ne « pensais » pas à me baisser, j'attendais qu'on
me le donne. Hiram comprenant ma douleur demanda à Françoise si le cordon
était suffisamment long pour que je puisse le prendre. Elle s'approcha et
regarda, et dis que oui. Elle le prit et me le donna. Mais j'avais peur de
le faire tomber car il était gluant. On me tendit une alèse, et là, enfin,
je pu serrer mon bébé dans mes bras et dis à Françoise : « Voici Aliénor ! »
La petite Aliénor, une fois contre ma peau, se jeta voracement sur mon sein,
d'une manière toujours bien caractéristique de sa faim ! Rhom ! Oh ! ça
pince ! Juste à ce moment, le placenta se détacha, me semblait-il d'un coup
sec !
Là, c'était le bonheur total. Je serais rester comme ça des heures, assise
sur la couette, avec mon bébé gluant dans les bras, et mon homme derrière
moi.
III - Epilogue
Françoise inspecta mon périnée. Il n'y avait qu' une toute petite déchirure,
peut-être de deux millimètres, qui se résorba toute seule. Le placenta
aussi était parfait. Il me paraissait petit, j'avais imaginé quelque chose
de beaucoup plus grand.
Le lendemain, quand j'ai parlé à Françoise de la douleur ressentie à la vue
de mon bébé, seul, entre mes jambes, elle a regretté ne m'avoir pas demandé
si je voulais qu'on me le donne. Elle a vu beaucoup de mamans se saisir de
leur enfant et pensait que j'allais faire de même. C'est vrai, j'aurais pu
faire de même et je me sens encore toute bête à cette idée. Je n'ai même pas
pu prendre mon bébé dans mes bras. Je me sens gourde !... Mais il faut se
rappeler que mes bras étaient encore trop courts !
Il était 4 heures du matin quand Aliénor est née. Françoise a dû arriver
vers 3 heures, juste au bon moment. J'avais complètement oublié l'existence
de la piscine, je n'en ressentis pas le besoin.
Tout m'a semblé se dérouler parfaitement, en crescendo, comme une symphonie
parfaitement orchestrée. Françoise a été discrète et présente, comme un
véritable ange gardien. Hiram a été l'époux parfait, me soutenant
physiquement comme j'en avais besoin. Il a été très heureux d'avoir ce rôle
physique, il n'aurait pas imaginé être impuissant devant ma douleur, et je
ne peux pas imaginer ne pas l'avoir eu à mes côtés pour ce soutien. Il avait
compris qu'il fallait me laisser faire, ne pas me déranger par des questions
ou remarques. Il s'est laissé guider.
J'ai eu l'accouchement que je voulais, celui où la nature prendrait le
dessus, où la physiologie ne serait pas dérangée. Et en effet, tout s'est
déroulé merveilleusement. Je comprends maintenant qu'on puisse accoucher
seule. Car personne n'est intervenu pour me dire quoi faire ou ne pas faire.
Je n'ai pas subi un seul toucher vaginal. J'ai écouté mon corps, je l'ai
laissé prendre le contrôle. Ma tête a bien voulu s'excuser, s'esquiver.
Même la douleur fut utile, elle m'a fait me retenir, ralentir la descente du
bébé afin de laisser le temps à mon bassin, à mon périnée de s'ouvrir. Sans
elle, j'aurais peut-être poussé plus fort, plus vite, j'aurais sans doute eu
une déchirure plus importante. En tout cas, c'est ce que j'aime penser.
Tout m'a paru tellement naturel qu'après avoir accouché je ne voyais pas la
nécessité d'écrire un récit, tout m'étant apparu tellement simple, comme n'importe
quel autre processus physiologique. Puis j'ai repensé au cheminement que j'avais
fait pour arriver à désirer un accouchement naturel, au bienfait des livres,
mais surtout des témoignages et récits que j'avais lu. Alors, j'ai décidé d'écrire
ce récit, pour le partager, et surtout pour l'offrir à ma fille, Aliénor."
Sophie Fowler
francinesonia(arobase)yahoo.com